Date de la décision : 17 Octobre 2013
Juridiction : Cour Européenne des Droits de l'Homme
Fondements légaux : Article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention Européenne des Droits de l'Homme
Les requérants vivaient sur les terrains en question depuis des périodes allant entre cinq et trente ans, alors que certains d’entre eux y étaient même nés. Ces terrains étaient situés sur des zones naturelles protégées dans le cadre du plan d’occupation des sols, dans une zone où le camping-caravaning est autorisé à condition que les terrains soient aménagés à cette fin ou que les intéressés bénéficient d’une autorisation. En 2004, le tribunal de grande instance a jugé que la présence des requérants sur ce site violait le plan d’occupation des sols et leur a ordonné d’évacuer les lieux moyennant une amende pour chaque jour retard. Ce jugement fut confirmé par la cour d’appel en 2005. Le jugement n’a pas encore été appliqué à ce jour, mais de nombreux requérants ont quitté les lieux pour éviter de devoir payer l’amende, qui continue de s’appliquer aux personnes qui y sont restées. Les autorités ont également décidé de réaliser une étude urbaine et sociale, suite à laquelle quatre familles ont été relogées dans des logements sociaux. Aucune solution satisfaisante n’a été trouvée pour les autres requérants.
Décision :
- Le logement en tant que concept « autonome » : les requérants étaient établis depuis de nombreuses années sur le lieu-dit et entretenaient des liens suffisamment étroits et continus avec les caravanes, cabanes et bungalows installés sur ces terrains pour que ceux-ci soient considérés comme leurs domiciles, indépendamment de la légalité de cette occupation en vertu de la législation nationale.
- Proportionnalité: Il n’a pas été contesté que les requérants étaient établis sur ces terrains depuis de nombreuses années ou y étaient nés, et que les autorités municipales avaient toléré leur présence pendant une période prolongée avant de chercher à mettre un terme à la situation en 2004. En ordonnant l’expulsion des requérants, les juridictions internes ont constaté la non-conformité de leur présence sur les terrains au plan d’occupation des sols et ont accordé à cet aspect une importance prépondérante, sans le mettre en balance avec les arguments invoqués par les requérants.
- Risque de devenir sans-abri: dans les circonstances particulières de l’affaire et en gardant à l’esprit la présence prolongée des requérants, leurs familles et la communauté qu’ils avaient formée, le principe de proportionnalité exigeait qu’une attention particulière soit portée aux conséquences de l’expulsion et au risque que les requérants ne deviennent sans-abri.
- Groupe vulnérable: de nombreux textes internationaux ou adoptés dans le cadre du Conseil de l’Europe insistent sur la nécessité, en cas d’expulsions forcées de Roms ou de gens du voyage, de leur fournir un relogement sauf dans les cas de force majeure, en tenant compte de l’appartenance des requérants à une minorité vulnérable. Cela n’a été que partiellement le cas dans la présente affaire dans la mesure où seules quatre familles ont été relogées. Les autorités n’ont pas porté une considération suffisante aux besoins des familles qui avaient demandé à être relogées sur les terrains familiaux.
Conclusion: violation de l’article 8.