Date de la décision : 15 octobre 2013
Juridiction : Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)
Pays : Espagne
Base juridique : Articles 3, 8 et 34 de la Convention européenne des droits de l'homme, Article 39 du Règlement de la Cour.
L’affaire Ceesay Ceesay et autres c. Espagne concerne deux familles au nord-est de l'Espagne expulsées alors qu’elles squattaient un immeuble appartenant à une société. Introduite le 4 octobre 2013, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a décidé le 15 octobre d'indiquer au gouvernement espagnol qu’en vertu de l'Article 39 du règlement de la Cour les requérants ne devaient pas être expulsés avant la fin du mois d'octobre (Tulkens, 2014, p.20).
En octobre 2013, la “Plataforma de Afectados por la Hipoteca” (PAH) - une association créée pour venir en aide aux personnes ne pouvant pas payer leurs prêts hypothécaires pendant la crise de 2009 – a en effet fait appel à la CEDH pour stopper de façon immédiate l'expulsion des requérants. PAH a dénoncé le fait que l'expulsion violait les droits humains des familles concernées.
La CEDH a réagi en demandant l'annulation préventive de l'expulsion. Le président par intérim de la section à laquelle l'affaire a été attribuée a décidé, dans l'intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure, d'informer le gouvernement espagnol, en vertu de l'Article 39 du Règlement de la Cour, que les requérants ne devaient pas être expulsés avant le 29 octobre 2013.
Il a été souligné aux parties a que le non-respect par un État d’une mesure indiquée en vertu de l'Article 39 du règlement peut entraîner une violation de l'Article 34 de la Convention européenne des droits de l'homme[1].
Décision provisoire de la CEDH :
La CEDH a donné au gouvernement espagnol un délai de 20 jours pour expliquer les mesures que les autorités locales allaient mettre en œuvre afin de ne pas violer l’Article 3 (interdiction de la torture et des "peines ou traitements inhumains ou dégradants") et l’Article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l'homme, en se référant spécialement aux enfants, au logement et à l'aide sociale. Le président par intérim a également décidé de demander au gouvernement espagnol, en vertu de l'article 54 § 2a du règlement de la Cour, de présenter des informations sur les mesures que les autorités internes entendaient mettre en œuvre à l'égard des requérants et en particulier des enfants compte tenu de leur vulnérabilité, afin de prévenir la violation alléguée des Articles 3 et 8 de la Convention. La CEDH a plus particulièrement demandé les dispositions concernant le logement et l'aide sociale envisagées par les autorités internes. La CEDH a reconnu la déficience structurelle des administrations publiques espagnoles : l'absence de tout sentiment de responsabilité pour répondre aux violations des droits de l'homme que constituent les expulsions. Depuis plusieurs années, la PAH signale que le gouvernement espagnol et les administrations locales sont défaillants en matière de droit au logement et d'engagements internationaux. (Lettre d'information HRW numéro 7)
Décision finale de la CEDH :
Le 5 novembre 2013, le gouvernement espagnol ayant informé la CEDH que des mesures alternatives en matière de logement à cet égard seraient prises au niveau local, la CEDH a donc décidé de lever la mesure provisoire indiquée en vertu de l'Article 39 du règlement de la Cour dans cette affaire (Tulkens, 2014, p.20).
[1] A cet égard, il est renvoyé aux paragraphes 128 et 129 de l'arrêt de Grande Chambre du 4 février 2005 dans l'affaire Momatkulov et Askarov c. Turquie (requêtes n° 46827/99 et 46951/99) ainsi qu'au point 5 du dispositif.