Date : 12 septembre 2024
Juridiction: Cour de justice de l'Union européenne
Demande de décision préjudicielle au titre de l'article 267 TFUE présentée par l'Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif, Sofia, Bulgarie).
Articles : Articles 1, 4 et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, lus en combinaison avec l'article 14, paragraphe 1, de la directive 2008/115 (directive « retour »).
Objet :
Le cas concerne un bénéficiaire du FAR qui réside en Bulgarie depuis 27 ans sans possibilité de retourner dans son pays d'origine. Au cours de cette période, il a présenté 11 demandes de protection internationale.
Toutefois, en l'absence d'un mécanisme de régularisation en Bulgarie qui permettrait à des personnes comme lui de régulariser légalement leur séjour, il est devenu sans papiers et, de fait, invisible. De ce fait, il s'est vu refuser l'accès aux droits de l'homme fondamentaux, notamment les soins médicaux non urgents, le droit de travailler légalement, le droit de se marier et même le droit de faire reconnaître ses enfants comme étant les siens.
La question centrale dans cette affaire concernait les obligations positives de l'État de garantir l'accès aux droits de l'homme fondamentaux pour les personnes qui se trouvent dans le pays depuis de nombreuses années sans aucun mécanisme légal pour régulariser leur séjour.
Dans le contexte du droit bulgare, la seule possibilité de ce type existe actuellement à l'article 9, paragraphe 8, de la loi sur l'asile et les réfugiés, selon lequel le statut humanitaire peut également être accordé pour d'autres raisons de nature humanitaire et pour les raisons énoncées dans les conclusions du comité exécutif du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
À cet égard, la CJUE a déclaré dans son arrêt qu'un État membre ne peut accorder un droit de séjour pour des raisons humanitaires à un ressortissant d'un pays tiers qui se trouve dans une situation de privation matérielle extrême sur son territoire que conformément à son droit national. Toutefois, cette protection nationale ne doit pas être confondue avec le statut de réfugié ou la protection subsidiaire au sens de la directive 2011/95.
Dans son arrêt, la CJUE a estimé que les articles 1er (dignité humaine), 4 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants) et 7 (respect de la vie privée et familiale) de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (CDFUE), lus en combinaison avec la directive 2008/115, doivent être interprétés en ce sens qu'un État membre n'est pas tenu, pour des raisons humanitaires impérieuses, d'accorder un droit de séjour à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur son territoire, quelle que soit la durée de ce séjour.
Toutefois, la CJUE a catégoriquement déclaré que tant qu'il n'est pas éloigné, le ressortissant peut jouir des droits qui lui sont garantis à la fois par la Charte des droits fondamentaux et par l'article 14, paragraphe 1, de la directive 2008/115 (la directive « retour »). L'État membre doit néanmoins veiller à ce que la personne ne soit pas soumise à des traitements inhumains ou dégradants, conformément à l'article 4 du la Charte. Cela inclut la satisfaction des besoins fondamentaux tels que les soins de santé d'urgence et le traitement de base des maladies, en particulier pour les personnes vulnérables.
En outre, si le ressortissant est également demandeur d'une protection internationale, y compris dans le cadre d'une demande d'asile ultérieure, il bénéficiera également de ce qui suit
1) le droit de rester sur le territoire de l'État membre dans l'attente de l'issue de son recours, quels que soient les motifs spécifiques pour lesquels sa demande d'asile a été rejetée ;
2) de bénéficier également des droits prévus par la directive 2013/33/UE relative à l'établissement de normes pour l'accueil des demandeurs de protection internationale, assurant un niveau de vie qui garantisse sa subsistance et protège ses droits fondamentaux. Ces droits s'appliquent même dans les cas où les conditions matérielles d'accueil sont réduites ou supprimées au motif que la demande d'asile est ultérieure. Même dans ce cas, les demandeurs devraient se voir garantir au moins les conditions d'accueil minimales nécessaires pour mener une vie digne.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.