Les experts de l'ONU expriment leur inquiétude à la France au sujet de la loi anti squat

 

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme et le pauvreté extrême,[1] Olivier De Schutter, et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à un logement convenable,[2] Balakrishnan Rajagopal, ont, dans une lettre adressée au gouvernement français[3], fait part de leur inquiétude concernant un projet de loi renforçant les sanctions pour l'occupation illégale de logements et de bâtiments commerciaux.[4]

Le projet de loi, qui a également fait l'objet de critiques de la part d'organisations de la société civile, du Défenseur des Droits [5]et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme,[6] renforcera fortement les sanctions pour le squat de logements et de bâtiments, le rendant passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 30 000 euros ou de deux ans d'emprisonnement.  En outre, le fait de rester dans un bâtiment ou une habitation après un ordre d'expulsion - alors qu'ils étaient occupés légalement - peut être sanctionné par une amende de 7 500 euros.

Étant donné qu'environ 95 % des expulsions en France sont liées à des loyers impayés ou à d'autres frais de logement,[7] la loi expose les personnes vivant déjà en grande partie dans des situations précaires à un risque de criminalisation, au lieu d'assurer l'accès à d'autres logements adéquats et abordables, dont l'offre est insuffisante dans de nombreuses villes et régions de France.

Les rapporteurs spéciaux sont préoccupés par le fait que la nouvelle loi accélère les procédures d'expulsion, en réduisant de manière significative le temps dont disposent les locataires pour rembourser les loyers impayés le délai supplémentaire pouvant leur être accordé pour trouver un autre logement avant d'être expulsés serait réduit en vertu de la nouvelle loi, limitant la période à un an maximum, contre trois ans actuellement.

La nouvelle loi étendrait également le champ de la procédure d'expulsions accélérées, sans l'intervention préalable d'un juge ni l'offre d'un autre logement ou hébergement. 

Dans leur lettre,[8] les rapporteurs spéciaux ont également exprimé leur inquiétude quant au fait que le projet de loi initial[9] aurait rendu la "propagande ou la publicité" pour l'occupation irrégulière de logements ou de bâtiments commerciaux passible d'une amende de 3 750 euros, mettant ainsi en danger les défenseurs du logement et des droits de l'homme ainsi que d'autres organisations de la société civile qui aident les personnes risquant de devenir sans-abri ou de vivre dans l'informalité.

Les rapporteurs rappelent quelques principes du droit international: 

  • Les pactes internationaux ne permettent pas de régresser dans les droits reconnus aux personnes, et dans les protections apportées à celles qui se retrouvent en difficulté de logement, d'autant moins si les garanties du droit à un logement adéquat et abordable ne sont pas effectives 
  • La nécessité d'une étude d'impact approfondie, « visant notamment à déterminer quelles catégories de la population seront affectées, le nombre de personnes susceptibles d'être affectées, et si les mesures pouvant affecter ces personnes sont compatibles avec les obligations qui découlent de la reconnaissance du droit à un logement adéquat à l'article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels"
  • Les procédures d'expulsion et de recours doivent être utiles et loyales. En aucun cas une expulsion ne devrait conduire une personne à se retrouver sans logement.
  • Il convient de donner la priorité aux groupes sociaux vivant dans des conditions défavorables en leur accordant une attention particulière, les politiques et la législation ne devant pas être conçues de façon à bénéficier aux groupes sociaux déjà favorisés au détriment des autres.

Le projet de loi a été adopté le 4 avril 2023 par l'Assemblée nationale avec quelques modifications et a été transféré au Sénat pour approbation finale.


 

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Criminalisation
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