Dans une décision rendue le 18 juillet, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a rejeté une plainte constitutionnelle alléguant que la Loi modifiant la loi sur les locations de 2015 violait certains articles du droit général allemand.
La Loi modifiant la loi sur les locations
Adoptée en 2015, la disposition principale de la Loi modifiant la loi sur les locations (§556d du Code civil allemand, leBürgerliches Gesetzbuch ou BGB) stipule que dans les régions ayant un marché du logement « tendu » (selon une définition prédéterminée), le loyer au début d’une location ne peut dépasser le loyer comparatif local de plus de 10%.
La disposition autorise les gouvernements d’État à définir ces régions par ordonnance pour une période maximale de cinq ans. Le plafond des loyers est effectif uniquement dans les régions définies par ordonnance. À titre d’exemple, le Sénat de Berlin a adopté une ordonnance en 2015 qui définissait l’ensemble de la ville comme une région avec un marché du logement tendu.
Il existe toutefois quelques exceptions : si le loyer dû par le locataire précédent dépasse le loyer maximum autorisé, le propriétaire peut, conformément au paragraphe 556e du BGB, convenir d’un loyer équivalant au maximum au montant de ce pré-loyer. D’autres exceptions concernent les espaces de vie construits après le 1er octobre 2014 et le premier loyer suivant des travaux importants de rénovation.
En quoi consistait la plainte constitutionnelle ?
L’affaire portée devant la Cour constitutionnelle concernait une propriétaire qui attaquait les autorités locales car celles-ci lui avaient ordonné de rembourser ses locataires après avoir imposé un loyer trop élevé, citant spécifiquement le droit à la propriété, la liberté de contrat et le principe général de l’égalité.
L’affaire a été transmise à la Cour constitutionnelle fédérale, invitée à déterminer si le paragraphe 556d (1) et (2) du Code civil (la Loi modifiant la loi sur la location) était incompatible avec l’article 3(1), qui établit le principe général d’égalité, et avec la deuxième phrase de l’article 80 (1) du droit général, qui concerne le contenu, l’objectif et la portée des ordonnances gouvernementales.
La Cour constitutionnelle n’a trouvé aucune violation et a confirmé que la Loi respectait le Droit général.
Arguments et jugement de la Cour constitutionnelle
La Cour constitutionnelle a affirmé que la régulation du loyer au début d’un bail conformément au paragraphe 556 (1) ne violait pas la garantie de propriété, la liberté de contrat ou le principe général d’égalité. Vous trouverez ci-après un résumé des arguments et principes utilisés par la Cour sur les questions de proportionnalité et d’intérêt public, des droits à la propriété, et d’égalité.
Proportionnalité et intérêt public
La Cour a indiqué que le degré d’interférence avec la propriété est proportionné et nécessaire pour atteindre l’objectif en question. En outre, la définition de ce qui constitue un marché du logement « tendu » limite le respect des intérêts des locataires à un degré conforme aux objectifs de la loi.
Elle a également affirmé qu’il était dans l’intérêt public de contrecarrer le déplacement des groupes défavorisés des quartiers très recherchés, et que la législature ne dépassait pas son domaine d’action, et trouvait un bon équilibre entre les intérêts des propriétaires et les intérêts communs.
Droits à la propriété (Art. 14 para. 1 GG)
En réponse à la violation supposée des droits à la propriété de la locataire comme stipulés dans l’article 14 (1) du Droit général, la Cour a indiqué qu’un plafond de loyer n’interférait avec la propriété en aucun cas qui impliquerait raisonnablement des pertes permanentes pour la propriétaire, qi impacterait la valeur du bien loué ou qui empêcherait l’utilisation commerciale du bien.
La Cour a indiqué que le droit à la propriété ne garantissait pas que la législation ne serait pas modifiée, notamment dans un domaine socio-politiquement controversé tel que la Loi sur la location. La Cour a stipulé que le fait de vouloir générer le plus de revenus locatifs possible d’un bien n’était pas protégé par la garantie sur l’immobilier.
Réponse sur l’égalité devant la Loi (article 3 (1))
Concernant la violation alléguée du principe général d’égalité, la Cour a indiqué que la définition de plafonds pour les loyers sur base d’un loyer comparatif n’était pas contraire au principe d’égalité. La régulation traite les propriétaires privés et commerciaux sur un même pied d’égalité, et les objectifs poursuivis par la régulation des loyers justifient l’application des plafonds sans distinction et sans tenir compte de l’importance économique des revenus locatifs pour le propriétaire.