Dian c. Danemark. Requête n° : 44002/22. [21.05.2024]

Date : 21.5.2024 [Section IV]
 
Juridiction : Cour européenne des droits de l'homme
 
Base juridique : Article 8-1, Respect de la vie privée
 
Objet : Le requérant a été condamné à vingt jours d'emprisonnement pour avoir mendié dans une rue piétonne de Copenhague : Article 8 non applicable ; irrecevable
 
Faits : Le requérant, ressortissant roumain, a été reconnu coupable d'avoir mendié dans une rue piétonne de Copenhague et d'avoir insulté une inspectrice de police dans l'exercice de ses fonctions. La peine totale a été fixée à vingt jours d'emprisonnement, étant donné qu'il avait déjà été condamné pour mendicité, et la confiscation de 190,50 couronnes danoises a également été ordonnée. Il a fait appel sans succès devant la Haute Cour et s'est vu refuser l'autorisation de faire appel devant la Cour suprême.
 
Dans l'affaire Lacatus c. Suisse, la Cour n'a pas conclu à l'existence d'un droit à la mendicité en tant que tel au titre de l'article 8. Toutefois, elle a considéré que la dignité humaine, notion inhérente à l'esprit de la Convention, serait gravement atteinte si la personne concernée ne disposait pas de moyens de subsistance suffisants et que, dans de telles circonstances, les personnes qui mendient adoptaient un mode de vie particulier afin de surmonter une situation inhumaine et précaire. Il convient donc de tenir compte des circonstances spécifiques de chaque cas, notamment de la situation économique et sociale de la personne concernée. Dans l'affaire Lacatus, la Cour a conclu que l'article 8 était applicable. En particulier, la mendicité avait été un moyen pour la requérante d'assurer son revenu et d'alléger la charge pesant sur ses biens. En imposant une interdiction générale de la mendicité et une amende, pouvant être remplacée par une peine de prison en cas de non-paiement, les autorités suisses ont empêché la requérante de s'adresser à d'autres personnes pour obtenir une forme d'assistance qui, dans sa situation, était l'un des moyens possibles de satisfaire ses besoins fondamentaux. Le droit de recourir à l'assistance d'autrui dans son cas est au cœur des droits protégés par l'article 8.
En l'espèce, la High Court est partie du principe que le grief du requérant relevait du champ d'application de l'article 8 et que sa condamnation avait constitué une ingérence dans son droit au respect de la vie privée. Néanmoins, elle a ensuite conclu que, dans les circonstances, le requérant ne s'était pas trouvé dans une situation de vulnérabilité évidente où la mendicité avait été effectivement sa seule option pour assurer sa propre survie.
 
La Cour a tout d'abord analysé la situation économique et sociale du requérant. Le requérant, âgé de 61 ans, analphabète et sans emploi, avait pu faire de nombreux voyages entre la Roumanie et le Danemark et avait profité de la possibilité de gagner sa vie au Danemark, pays économiquement développé, en vendant un journal, en ramassant des bouteilles et en mendiant. Outre ces sources de revenus, il avait pu envoyer régulièrement de l'argent à sa famille en Roumanie, où il possédait également une maison. Il a consommé de la cocaïne et du cannabis pendant des années et, le jour de l'infraction pour laquelle il a été condamné, il a été trouvé en possession d'une somme d'argent liquide s'élevant à environ 135 euros. En outre, en tant que citoyen de l'UE, il avait le droit d'entrer et de séjourner au Danemark pour une durée maximale de trois mois et, en cas d'urgence financière, il aurait pu demander une "aide au retour".
 
La Cour n'est donc pas convaincue que le requérant n'avait pas de moyens de subsistance suffisants, ou que la mendicité était sa seule option pour assurer sa propre survie, ou que par l'acte de mendicité, il avait adopté un mode de vie particulier dans le but de s'élever au-dessus d'une situation inhumaine et précaire, et ainsi de protéger sa dignité humaine. L'acte de mendicité a été un moyen, ou du moins un moyen supplémentaire, de revenu pour le requérant.
 
Deuxièmement, la Cour a noté que, contrairement à l'affaire Lacatus, la présente affaire ne concernait pas une interdiction générale de la mendicité. En droit danois, la mendicité est autorisée sous certaines conditions ; une personne ne peut être condamnée pour mendicité que si elle a lieu d'une manière personnelle causant une nuisance au public et que la personne a été avertie au préalable ou si elle a lieu dans une rue piétonne, dans les gares, à l'intérieur ou à l'extérieur des supermarchés ou dans les transports publics. Rien n'indique que le requérant ait été régulièrement condamné pour mendicité ou qu'il ait été empêché de mendier au Danemark. Ainsi, il pouvait continuer à mendier à Copenhague, et ailleurs au Danemark, en dehors des zones désignées, à condition de ne pas le faire d'une manière personnelle causant des nuisances au public.
 
En conséquence, la Cour a conclu que l'article 8 n'était pas applicable aux faits de la présente affaire.
 
Conclusion : irrecevable (incompatibilité ratione materiae).
 
(Voir aussi Lacatus c. Suisse, Requête 14065/15, 19 janvier 2021, Résumé juridique)
French
Jurisdiction: 
Conseil de l'Europe - Cour Européenne des Droits de l'Homme
Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale
Subject: 
Criminalisation
Country: 

Fonds

Subscribe to receive e-mails from us