A. Naser c. Espagne (Communication No. 127/2019) [14.03.2022]

Date de la décision : 14 mars 2022

Pays : Espagne

Juridiction: Comité des droits économiques, sociaux et culturels  

Base juridique: Article 11 (1) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 

Thème:  Expulsion des requérants de leur logement – Droit au logement convenable  

Contexte

En 2007, Aicha a signé un bail pour son logement, dans lequel elle s’occuperait également de ses trois enfants. Lorsqu’elle a appris que la maison qu’elle occupait en tant que locataire avait été mise aux enchères et adjugée à une banque dans le cadre d’une procédure de saisie contre ses propriétaires, Aicha a envoyé une lettre au tribunal, soulignant l’existence de son bail et demandant que celui-ci soit respecté par le nouveau propriétaire, mais la requête a été rejetée. Face à la difficulté de trouver une autre location en raison de ses moyens limités, Aicha a plusieurs fois demandé l’aide des services sociaux et a introduit plusieurs demandes de logement social. Début 2019, elle a envoyé une requête au Tribunal de première instance, demandant la suspension de son expulsion en raison de l’absence d’alternative de logement. Malgré son long combat, Aicha et ses trois enfants ont été expulsés en janvier 2020.

La plainte

Cette affaire a été portée devant le CESCR avec l’aide de l’organisation espagnole Provivienda. Dans la communication au Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR), la requérante souligne que lors de sa signature du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l’Espagne s’est engagée à promouvoir efficacement le droit au logement convenable et à héberger les personnes sans ressources ou menacées d’expulsion, en application du droit au logement convenable. Cette obligation spécifique de fournir un logement aux personnes menacées d’expulsion sans logement alternatif découle directement de l’article 11 du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que des Observations générales n° 4 et 7 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR).  

La requérante a clairement établi qu’elle n’était pas en mesure de subvenir à ses besoins à cause de la situation socioéconomique de sa famille, et qu’elle n’avait pas d’alternative de logement. La requérante affirme que, dans ces circonstances, l’ordre d’expulsion à l’encontre de sa famille sans alternative de logement est contraire aux obligations du gouvernement espagnol en vertu du Pacte et constitue ainsi une violation du droit au logement en vertu de l’article 11 (1).

Recommandations du CESCR pur garantir le droit au logement 

Le CESCR considère dans sa dernière décision[1] que le droit au logement a été violé dans l’affaire d’Aicha et de ses 3 enfants en vertu de l’article 11 (1) du Pacte. Dans ces circonstances, le Comité considère que l’État partie devrait, notamment : 

  • S’engager dans une vraie consultation avec la requérante pour étudier les besoins de sa famille afin de lui trouver une alternative adéquate    
  • S’engager dans une vraie consultation avec la personne concernée pour étudier les besoins de sa famille afin de lui fournir un logement alternatif adéquat ; et  
  • Rembourser les frais juridiques raisonnables de la requérante encourus par cette communication.

Par ailleurs, le CESCR rappelle à l’Espagne son « obligation de prévenir de violations similaires dans le futur », et l’invite à « s’assurer que sa législation et son application sont conformes avec les obligations prévues dans le Pacte », en particulier :   

  • Garantir que le cadre réglementaire permette aux personnes sujettes à un ordre d’expulsion pouvant les exposer à un risque de destitution ou à une violation de leurs droits en vertu du Pacte de contester la décision devant les autorités judiciaires, ou une autre autorité impartiale et indépendante pouvant ordonner la cessation de la violation ou fournir un recours effectif.  
  • Adopter les mesures nécessaires pour s’assurer que les expulsions impliquant des personnes sans ressources bénéficient de logements alternatifs. Cela s’applique surtout aux cas impliquant des familles, des personnes âgées, des mineurs et des personnes en situation vulnérable.
  • Élaborer et mettre en œuvre, en collaboration avec les communautés autonomes, un plan pour garantir le droit au logement convenable pour les personnes à bas revenus conformément à l’Observation générale n° 447. 

L’État partie doit maintenant envoyer une réponse écrite au Comité dans les six mois, incluant des informations sur les mesures prises à la lumière des recommandations du Comité.    


[1] Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Communication n° 127/2019, E/C.12/71/D/127/2019: https://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CESCR/Shared%20Documents/ESP/E_C-1...

 

French
Jurisdiction: 
Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels
Subject: 
Droit au logement
Country: 

Fonds

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