Khan c. France (requête no 12267/16) [28.02.2019]

 

Juridiction : Conseil de l’Europe – Cour européenne des Droits de l’Homme

Pays : France

Objet : Plusieurs mineurs non accompagnés, parmi lesquels monsieur Khan, âgé de 12 ans au moment des faits, ont vécu pendant plusieurs mois dans le bidonville de la Lande (« Jungle ») de Calais au Nord de la France dans des conditions inacceptables. Le campement a été démantelé à plusieurs reprises en 2016, opérations qui ont conduit à une dégradation des conditions de vie de monsieur Khan sur le campement.

En novembre 2015, le juge des référés (procédure d’urgence) ordonna aux autorités de procéder à une évaluation du nombre de mineurs non accompagnés et d’organiser leur assistance au titre de l’aide sociale à l’enfance. Les autorités (le Ministère de l’Intérieur) fit appel et le Conseil d’Etat (cour d’appel en la matière) rejeta ce recours. D’après le défenseur des droits, le recensement a bien été effectué mais n’a pas conduit à une prise en charge adéquate des mineurs. Une ONG présente sur le campement a aidé monsieur Khan à saisir le Juge des Enfants, qui ordonna le placement provisoire du mineur non accompagné par décision du 23 février 2016. Aucune suite n’a été donnée par les autorités à cette décision, au prétexte que monsieur Khan ne s’était pas présenté aux rendez-vous qui lui avaient été adressés. Monsieur Khan a quitté la France en mars 2016 et rejoint l’Angleterre, où il a pu être pris en charge par les services de protection de l’enfance.

Avant de quitter la France, monsieur Khan avait déposé le 2 mars 2016, dans le contexte des opérations d’évacuation du campement, un recours auprès de la CEDH, avec quatorze autres mineurs. Le recours invoque les articles 3 et 8 CEDH et l’article 1 du Protocole n°1 relatifs au traitements inhumains et dégradants, au respect de la vie privée et familiale, et au respect des biens et de la propriété. Dans un délai d’une semaine, malgré la demande des ONG, la CEDH rendit sa décision de ne pas exiger de mesures d’intérim de la part des autorités publiques françaises, considérant que des mesures étaient déjà en cours de mise en œuvre à la suite du jugement du Juge des Enfants.

Dans son jugement du 28 Février 2019, la CEDH :

  • Juge que la non intervention des autorités publiques avant la décision du Juge des Enfants pour identifier et garantir la prise en charge des mineurs non accompagnés présents sur le campement représente un manquement aux obligations faites aux Etats par la convention européenne des droits de l’homme dans son article 3. Elle estime que les autorités publiques n’ont pas fait tout ce qui était en leur pouvoir pour remplir leurs obligations au titre de la prise en charge des mineurs non accompagnés
  • Condamne la non-exécution du jugement du Juge des Enfants, considérant qu’il s’agit d’un manquement à la responsabilité des autorités publiques compétentes
  • Les conditions dans lesquelles monsieur Khan a vécu pendant six mois, combinées aux faits susmentionnés, sont constitutives de traitements inhumains et dégradants, tels qu’interdits par l’Article 3 de la CEDH.
  • Considère non nécessaire de statuer sur les autres griefs invoqués (article 8 CEDH et article 1 du Protocole n°1)
  • L’Etat français est condamné a payer une somme de 15 000 € à monsieur Khan.

Base juridique : Article 3 CEDH (traitements inhumains et dégradants)

En savoir plus : https://hudoc.echr.coe

 

French
Jurisdiction: 
Conseil de l'Europe - Cour Européenne des Droits de l'Homme
Article 3 - Interdiction de la torture
Subject: 
Traitement inhumain, dégradant
Country: 

Fonds

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