Espagne: Un projet de loi sur le droit au logement n’englobant pas d’approche fondée sur les droits de l’homme

 

Voici les éléments clés de la communication au gouvernement espagnol des Rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur le logement convenable et sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme en référence au projet de loi sur le droit au logement en cours d’examen depuis février 2022 au Parlement espagnol. [1]

L’Organisation des Nations Unies propose au gouvernement espagnol sept points d’amélioration à introduire dans son projet de loi sur le droit au logement :

- N° 1 : Inscription du droit au logement dans la législation en tant que droit de l’homme.

- N° 2 : Égalité de traitement et non-discrimination.

- N° 3 : Protection des groupes vulnérables.

- N° 4 : Veiller à ce que le droit au logement soit également opposable.

- N° 5 : Protection des personnes vulnérables contre les expulsions.

- N° 6 : Élaboration d’objectifs clairs pour agrandir progressivement le parc très limité de logements sociaux.

- N° 7 : Amélioration du système de maîtrise des loyers pour couvrir tous les logements locatifs dans les marchés en difficulté.

 

1.- Le droit à un logement convenable : un droit humain, un droit subjectif, un droit justiciable (n° 1 et 4)

Les rapporteurs spéciaux des Nations Unies, Balakrishnan Rajagopal et Olivier De Shutter, à la suite des multiples recommandations et condamnations [2] [3] formulées par les Nations Unies à l’État espagnol, insistent une nouvelle fois sur deux points fondamentaux :

L’universalité du droit humain à un logement convenable et la nécessité pour cette nouvelle loi de ne pas limiter ce droit aux seules personnes qui sont des citoyens de l’État espagnol. Cela concerne également le principe de non-discrimination au niveau de l’accès au logement.

  • La justiciabilité du droit/la subjectivité du droit : sans accès à la justice et à des recours effectifs, le droit humain à un logement convenable est bafoué. Le projet de loi ne garantit pas l’accès des personnes et des familles vulnérables à un logement convenable (sous la forme de logements sociaux protégés, de protection sociale ou de prestations sociales facilitant l’accès au marché privé).

Par conséquent, ils élaborent les propositions suivantes pour l’amélioration de ses articles :

  • Modifier la notion de citoyen par celle de personne dans l’ensemble des articles de la loi.
  • Inclure les obligations internationales en matière de droits de l’homme ratifiées par l’Espagne comme base de la loi elle-même (pas seulement la Constitution).
  • Inclure l’expression : droit au logement convenable.
  • Étendre l’obligation des États non seulement de « promouvoir », comme le mentionne le projet de loi, mais aussi de « protéger, respecter et réaliser » le droit de toutes les personnes au logement, tel que régi par les traités signés par l’Espagne.
  • Enjoindre le gouvernement de rendre effective la garantie de pouvoir invoquer le droit au logement convenable devant les tribunaux lorsque les recours administratifs ou extrajudiciaires n’ont pas permis de garantir l’accès à un logement répondant aux normes élémentaires d’adéquation.
  • Enjoindre également le gouvernement d’inclure un régime général de sanctions qui définit et précise le non-respect de cette garantie.

 

2.-Protection spéciale des personnes et des familles en situation de sans-abrisme (n° 3) :

Bien que le point nº 3 développe diverses situations de vulnérabilité qui devraient être particulièrement protégées (personnes handicapées, personnes âgées, femmes, victimes de violence sexuelle ou de genre et de traite des êtres humains, réfugiés, migrants, personnes libérées de prison, vivant dans la rue...), nous souhaitons nous concentrer sur les propositions se référant aux personnes en situation de sans-abrisme étant donné que ce document a été rédigé pour le réseau Housing Rights Watch de la FEANTSA. 

En ce sens, nous mettons en lumière les propositions suivantes des rapporteurs des Nations Unies qui seront introduites dans le projet de loi :

  • Comprendre que le problème du sans-abrisme de rue engendre la violation de plusieurs droits de l’homme : le logement, la vie, la santé et la sécurité de la personne. Et que l’État a l’obligation de les protéger immédiatement. Une non-protection pourrait constituer un traitement cruel, dégradant et inhumain (article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme).
  • Inclure dans le projet de loi un accès au logement pour les personnes et les familles en situation de sans-abrisme ou menacées de sans-abrisme, dans les 2 mois suivant leur demande ; ces personnes doivent recevoir un logement social, ou un logement géré par un organisme public ou social pour le compte de l’État ou, pour le moins, une aide au logement.

 

3.- Égalité de traitement et non-discrimination (n° 2) :

Avec la publication en juillet 2022 de la Loi intégrale pour l’égalité de traitement et la non-discrimination (loi 15/2022 du 12 juillet), la discrimination en matière de logement (à la fois par des organismes publics et des acteurs privés) a été incluse. Les Nations Unies proposent que le libellé de cette nouvelle loi et l’interdiction du harcèlement et des abus immobiliers en matière de logement, qu’elle développe également, soient inclus dans les articles du projet de loi lui-même.

Par ailleurs, en référence à la prévention de la ségrégation spatiale, et saluant le fait que le projet de loi inclue une augmentation du nombre de logements publics et de logements sociaux, ils insistent sur l’avertissement de ne pas construire de grands ensembles de logements sociaux sur des nouveaux terrains à la périphérie des villes et villages, ainsi que sur la qualité de ces logements et de leurs environs. À cette fin, ils recommandent d’augmenter à 30 % le pourcentage de terrains réservés au logement social dans les agglomérations.

 

4.- Protection des personnes vulnérables contre les expulsions (n° 4)

Comme pour les points 1 et 3, de nombreuses recommandations et avis sur les expulsions ont été adressés à l’État espagnol au cours de ces dernières années. En ce sens, les rapporteurs spéciaux élaborent les propositions suivantes pour améliorer les articles du projet de loi, dans le but de rendre applicables l’Observation générale n° 7 des Nations Unies sur le logement convenable et les expulsions et les Directives pour la mise en œuvre du droit à un logement suffisant (A/HRC/43/43/43, par. 38) [4]:

  • Prévention : fournir aux personnes concernées l’aide financière nécessaire des autorités compétentes pour leur permettre de maintenir les locataires vulnérables dans leur logement. Fournir des logements sociaux, des logements alternatifs ou des logements d’urgence sera toujours beaucoup plus coûteux.
  • Veiller à ce que l’expulsion n’engendre pas de préjudice ou de risque pour les droits des personnes concernées. En particulier en ce qui concerne la protection des familles et des enfants.
  • Capacité des tribunaux d’ordonner une indemnisation de l’État pour l’accession à la propriété si une expulsion est suspendue en raison d’un manque de logement ou de logement alternatif ou d’urgence.
  • Obligation légale d’établir l’heure et la date de l’expulsion dans l’ordonnance du tribunal.

 

5.- Mesures urgentes pour augmenter le parc public de logements sociaux et contrôler les loyers de tous les logements dans les marchés résidentiels en difficulté (n° 6 et 7)  

Conformément aux principes fondamentaux d’abordabilité et d’accessibilité au droit humain à un logement convenable, il est essentiel d’accroître le parc de logements sociaux en Espagne pour les personnes et les familles vulnérables. Et cela se reflète dans le projet de loi.

La recommandation est de définir clairement cet objectif. Et ils proposent d’atteindre 15% de logements sociaux d’ici 2040, en recommandant au gouvernement de l’inclure dans les articles qui font référence au logement subventionné et social.

En outre, les mesures d'encadrement des loyers, également incluses dans le projet de loi, sont jugées insuffisantes pour garantir que le logement soit abordable pour les personnes qui dépendent du marché locatif. En plus de proposer qu’ils ne s’appliquent pas uniquement aux grands propriétaires, mais à l’ensemble du marché locatif en raison des caractéristiques des petits propriétaires sur le marché locatif espagnol.

Enfin, parallèlement à l’expansion continue du parc de logements sociaux et à la réglementation des prix de location, ils proposent de subventionner le logement et de subventionner l’énergie et l’eau, et de pas consacrer plus de 39 % de son revenu disponible aux frais de logement.

 

Conclusion

Compte tenu de ces sept points essentiels, que toute politique publique fondée sur le droit humain au logement devrait contenir, Caritas espère que le gouvernement espagnol en tiendra compte, au même titre que les groupes parlementaires qui finalisent leur travail sur l’adoption des amendements. L’étape historique de l’adoption d’une loi nationale sur le droit au logement et la garantie de l’accès et de la jouissance de ce droit pour tous, en particulier les plus vulnérables, et sa justiciabilité, seraient alors très proches.

Comunication original: https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicationFile?gId=27820

 


[2] E/C.12/55/D/2/2014; E/C.12/61/D/5/2015; E/C.12/66/D/37/2018; C.12/67/D/52/2018; EC/12/69/D/54/2018; EC/12/69/D/85/2018; document C.12/71/D/127/2019; C.12/72/D/26/2018

[3] Groupe confédéral sur les politiques publiques en matière de logement (2020) Tableau des recommandations de l'ONU à l'Espagne sur le logement https://www.housingrightswatch.org/sites/default/files/Recomendaciones%20UN%20a%20Espa%a4a%20Derecho%20Vivienda.pdf

[4] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies: https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G19/353/93/PDF/G1935393.pdf?OpenElement

 

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