Le droit européen ne s’occupait pas trop de logement, il y a peu. D’un côté, il y avait les outils du Conseil de l’Europe (47 pays) : la Cour européenne des droits de l’homme, qui traite un peu de questions de domicile ou d’expulsions, mais les Etats n’écoutent pas toujours. C’est dommage, c’était rigolo de considérer par exemple qu’une cabane de bidonville est un domicile, un lieu d’intimité et qu’elle est par conséquent protégé par le droit de propriété (Oneryildiz c. Turquie, 2004). Il y a aussi le Comité des droits sociaux, qui traite plus précisément la question du droit au logement (art.31 de la Charte sociale révisée), capable de juger les politiques publiques insuffisantes, mais qui n’est vraiment pas très considéré par les tribunaux nationaux, qui reconnaissent surtout la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Hélas, celle-ci ne s’occupait pas trop de droits sociaux. Elle avait bien une Charte des droits fondamentaux, mais c’était un texte flou (droit “à une aide au logement”, art.34. C’est quoi, ça, le droit à une aide ?) et sans force juridique claire.
Et soudain, tout bascule : La Charte des droits fondamentaux obtient le statut de Traité. elle devient un des outils de la CJUE, respectée par les tribunaux nationaux. Elle devient moins floue, car les articles sont rédigés dans des termes similaires à ceux des textes du Conseil de l’Europe et un guide d’interprétation de la Charte, les “Explications”, demande de se référer notamment aux définitions données par les juridictions internationales, à commencer par la CEDH et le Comité des droits sociaux. Voilà donc que les droits fondamentaux, y compris sociaux, deviennent un outil de la construction européenne et de la contrainte sur les Etats. Un bémol toutefois, cette Charte ne peut être invoquée devant le tribunal européen que sur des thématiques qui relèvent du champ du droit européen. Or en matière de logement, la frontière entre ce qui relève du droit national et ce qui relève du droit européen n’est pas claire. Deux jurisprudences viennent nous aider à y voir un peu plus clair sur la portée du “droit à une aide sociale et au logement” reconnu par la Charte. Dans l’arrêt Zambrano, la CJUE reconnaît pour un parent d’un pays tiers irrégulier, le droit à disposer des moyens de prendre soin de son enfant ressortissant européen, y compris une aide au logement, car cet enfant dispose de droits que son tuteur légal doit mettre en oeuvre. Dans l’arrêt Kumberaj, c’est un résident étranger de long terme en Italie, qui demandait à pouvoir disposer d’une aide au logement auquel les italiens peuvent avoir accès, mais pas les étrangers, même présents depuis longtemps. La Cour lui a donné raison et a considéré à cette occasion, que les tribunaux et politiques publiques nationales étaient libres de s’organiser, pourvu qu’elles respectent le niveau de protection garanti par la Charte, y compris dans son article 34.
Le droit au logement est donc mieux protégé mais encore flou, il faudra monter de nombreuses affaires auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, pour permettre aux juges d’harmoniser leurs interprétations avec celles de la CEDH et du CDS, porteuses de droit au logement, parfois au-delà des ambitions que nous nous donnons en France, et pour permettre aux juges de déterminer ce qui ne relève pas du champ d’application du droit européen et qui relève strictement des dispositions nationales, ce qui permettra d’éclaircir le type de situations protégées par chaque texte, chaque juridiction, donc les débats politique à entretenir avec chaque niveau institutionnel à faire progresser pour garantir un toit à chacun.