Le projet de loi relatif à la police, la criminalité, les peines et les tribunaux de 2021 est une législation qui propose une refonte complète des lois relatives à la police, la justice pénale et les peines en Angleterre et au Pays de Galles. Plusieurs défenseurs des droits de l’homme ont partagé leurs inquiétudes par rapport à la compatibilité du projet de loi avec les obligations internationales en matière des droits de l’homme.
Le projet de loi relatif à la police, la criminalité, les peines et les tribunaux de 2021 a été proposé par le Parlement britannique en mars 2021. Si ce projet de loi entre en vigueur dans sa version actuelle, il introduira une nouvelle infraction pénale, à savoir l’introduction dans une propriété privée avec intention d’y résider, et octroiera à la police les pleins pouvoirs pour confisquer les biens en question, notamment les véhicules qui constituent les logements sur simple suspicion d’introduction dans une propriété privée, qui pourrait conduire à une peine d’emprisonnement allant jusqu’à trois mois ou à des amendes allant jusqu’à 2500 Livres sterling.[1]
Il pourrait également interdire aux résidents de « campements non autorisés » de retourner dans les lieux en question pendant 12 mois. Ce projet de loi a été vivement critiqué tant au niveau national qu’au niveau international car celui-ci pourrait aggraver la discrimination et la criminalisation des personnes dormant dans la rue ainsi que des Roms, des gitans et des Gens du voyage au Royaume-Uni.[2] Les personnes ne devraient pas être punies en raison de leurs traditions culturelles ou en raison de leur résidence dans des logements inadéquats, incluant les aires de repos sûres, à la charge des États[3].
Les Rapporteurs spéciaux s’inquiètent de la compatibilité du projet de loi avec les droits de l’homme
Les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur les questions des minorités, dans le domaine des droits culturels et du logement convenable, ont émis leurs inquiétudes quant à la compatibilité du projet de loi relatif à la police, la criminalité, les peines et les tribunaux avec les obligations internationales du Royaume-Uni en matière de droits humains. Dans leur communication de février 2022[4], ils soulignent le risque que ce projet de loi affecte disproportionnellement les Roms, les Gens du voyage et les gitans. Les rapporteurs affirment que la criminalisation de l’introduction dans une propriété privée avec intention d’y résider et le fait de permettre à la police de saisir les biens risquent d’avoir un effet discriminatoire et pourraient entraîner de nombreuses personnes dans un cycle d’expulsion et de criminalisation. Ils ont également affirmé que le projet de loi ne tient pas compte du fait que de nombreuses personnes n’ont pas de domicile au sens traditionnel du terme et pourrait dès lors empêcher les minorités de jouir de leur droit de suivre leur mode de vie traditionnel et leur culture, qui inclut également le droit à un domicile ainsi que le droit à la vie privée et familiale.
Les Rapporteurs spéciaux rappellent notamment les obligations du gouvernement britannique en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, notamment l’article 11.1 sur le droit à un niveau de vie suffisant, incluant le logement convenable, et l’article 15 sur le droit de participer à la vie culturelle. L’Observation générale n°7 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels stipule que les expulsions ne devraient jamais conduire à des situations de sans-abrisme. Pour les personnes affectées et incapables de subvenir à leurs besoins, les États doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir des logements alternatifs adéquats, des solutions de réinstallation et un accès à la terre.
Par ailleurs, les Rapporteurs spéciaux placent l’accent sur les engagements du gouvernement britannique en vertu de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et mentionnent plusieurs Observations générales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD). Dans son Observation générale n° 27, le CERD recommande que les États prennent les mesures nécessaires pour proposer aux Roms et aux Gens du voyage des sites de campement pour leurs caravanes, avec toutes les installations nécessaires.
Prochaines étapes
Étant donné toutes ces inquiétudes par rapport à la compatibilité du projet de loi avec les obligations internationales en matière de droits humains, les Rapporteurs spéciaux recommandent au gouvernement britannique de réviser ce projet de loi afin de garantir sa conformité. Ils invitent le gouvernement britannique à fournir des informations démontrant que le projet de loi actuel garantit la fourniture de logements convenables et culturellement appropriés, notamment de sites pour les gitans, les Roms et les Gens du voyage. Ils demandent également comment les minorités ont été consultées dans le cadre de la rédaction de ce projet de loi, étant donné que ces mesures affecteront leur situation. Le Commissaire du Conseil de l’Europe pour les Droits de l’homme a également partagé ses inquiétudes en matière de droits humains, et a écrit à la Chambre britannique des Communes et la Chambre des Lords pour leur demander de rejeter la criminalisation de l’introduction dans une propriété privée.[5]
Tant la Chambre des Communes que la Chambre des Lords ont leur mot à dire et poursuivront leurs discussions pour convenir d’une version finale du projet de loi. Ce projet de loi devra être adopté par les deux chambres avant d’entrer en vigueur. Il devra être clôturé avant la fin de la session parlementaire actuelle, attendue en avril 2022.
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[1] Projet de loi relatif à la police, la criminalité, les peines et les tribunaux de 2021 : campements non autorisés :
[3] Inquiétudes par rapport au projet de loi relatif à la police, la criminalité, les peines et les tribunaux et sa compatibilité avec les obligations internationales des États en matière de droits humains, incluant l’interdiction de la discrimination et les droits des minorités . https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicatio...
[4] Inquiétudes par rapport au projet de loi relatif à la police, la criminalité, les peines et les tribunaux et sa compatibilité avec les obligations internationales des États en matière de droits humains, incluant l’interdiction de la discrimination et les droits des minorités https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicatio...