M.B.D et autres c. Espagne (Communication n° 5/2015) [5.07.2017]

 
Date de la décision : 21 juillet 2017
 
Compétence : Comité des droits économiques, sociaux et culturels
 
Pays : Espagne
 
Objet : Constatations adoptées par le Comité en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, concernant la communication n° 5/2015 
 
Base légale : Violation du droit à un logement convenable, article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
 
Contexte :  Les auteurs de la communication sont Mohamed Ben Djazia, de nationalité espagnole, et Naouel Bellili, de nationalité algérienne. Les auteurs présentent la communication en leur nom propre et au nom de leurs enfants mineurs, de nationalité espagnole. 
 
Les requérants vivaient avec leurs deux jeunes enfants dans une chambre louée dans un appartement à Madrid. M. B.D avait demandé un logement social aux autorités compétentes au cours des treize dernières années. En 2012, après avoir perdu son emploi et n’ayant plus droit aux allocations de chômage, les locataires ont eu des retards de loyer. Deux mois plus tard, leur bail à durée déterminée a expiré. Cependant, les auteurs ont décidé de rester dans l’appartement avec leurs enfants, dans la mesure où ils n'avaient aucun revenu ou logement alternatif.
 
Le propriétaire a engagé une procédure judiciaire et, en mai 2013, un tribunal a ordonné leur expulsion du logement qu'ils occupaient illégalement. Dans son jugement, la cour a enjoint aux services sociaux régionaux et locaux de prendre toutes les mesures appropriées pour empêcher la destitution des auteurs. À la suite de divers reports judiciaires, les auteurs et leurs enfants (qui étaient à l'époque âgés d’un an et de trois ans) ont été expulsés en octobre 2013, sans qu'aucun autre logement convenable ne soit disponible. La famille s'est ainsi retrouvée sans domicile : elle a passé dix jours dans un logement temporaire, suivi de quatre jours où elle a été obligée de dormir dans la voiture familiale.
 
Après avoir demandé sans succès à la Cour constitutionnelle espagnole l’adoption de mesures et la protection judiciaire de leurs droits fondamentaux (par recurso de amparo), les auteurs ont présenté une communication au Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Ils ont ainsi fait valoir que l'Espagne avait violé son droit à un logement convenable, dans le cadre de son droit à un niveau de vie suffisant consacré par l'article 11 (1) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ils ont ajouté que les autorités n'avaient pas suffisamment pris en compte la protection spéciale qui aurait dû être accordée à leurs enfants mineurs, particulièrement jeunes à l'époque. Ils ont soutenu que, par suite de l'expulsion, toute la famille a vécu une situation d'extrême incertitude, de dénuement, de précarité et de vulnérabilité.
 
La décision du Comité rappelle d'abord les obligations juridiques imposées par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels aux États parties en ce qui concerne le droit au logement. Citant ses Observations générales n ° 4 et n ° 7, elle rappelle que toutes les personnes devraient jouir d'une certaine sécurité d'occupation garantissant une protection juridique contre les expulsions forcées, le harcèlement et autres menaces. Cette protection légale s'applique aux personnes vivant dans des logements locatifs (publics ou privés), dont le droit au logement doit être garanti même après l'expiration de la location. Des garanties procédurales, en particulier la disponibilité de recours efficaces et appropriés et la possibilité de véritables consultations avec les personnes et groupes concernés, seront décisives pour déterminer le respect des principes de caractère raisonnable et de proportionnalité qui devraient régir toutes les expulsions.
 
Le Comité a souligné que les expulsions ne devraient pas rendre les personnes ou les familles sans abri. L'obligation des États de fournir un autre logement convenable leur impose de prendre toutes les mesures nécessaires à cet égard, au maximum de leurs ressources disponibles. Toute mesure de ce type doit être délibérée, concrète et ciblée aussi clairement que possible pour assurer le droit à un logement convenable ; et devrait être adaptée à l'urgence de la situation et aux besoins particuliers des personnes affectées. Cela sera particulièrement important lorsque les personnes à risque de perdre leur logement sont en situation de vulnérabilité (par exemple lorsque des enfants sont impliqués) ou peuvent subir une discrimination systémique. De plus, les États parties doivent prendre des mesures cohérentes et coordonnées pour lutter contre les causes structurelles du sans-abrisme et de la vulnérabilité du logement. 
 
Le Comité a émis des recommandations générales à l'Espagne en ce qui concerne : 
 
a) l'adoption de mesures législatives et / ou administratives visant à assurer que les locataires aient accès à des recours judiciaires « où les conséquences d'une expulsion sont analysées » ; 
b) l'adoption de mesures visant à promouvoir la « coordination entre les décisions judiciaires et les agences de services sociaux » ; 
c) l'adoption de mesures visant à garantir des « logements alternatifs » pour les « personnes sans revenu » ; 
d) une protection spéciale pour les personnes en situation de vulnérabilité ; 
e) la formulation et la mise en œuvre d'un plan visant à « assurer le droit à un logement convenable pour les personnes à faible revenu ».
 
Vous pouvez trouver le texte complet de la décision ici.
 

 

French
Jurisdiction: 
Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels
Subject: 
Droit au logement
Country: 

Fonds

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