I.D.G c. Espagne (Communication No. 2/2014) [17.06.2015]

Date de la décision : 17 Juin 2015

Juridiction : Nations-Unies - Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels (se rapportant au Protocole Facultatif du Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels)

Base légale : Article 2 §1 (obligation pour les Etats parties d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives) et Article 11 §1 (droit au logement adéquat) du Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels = Absence d’accès effectif aux tribunaux en vue de protéger le droit à un logement suffisant

Mme I.D.G, une propriétaire espagnole, a appris que sa maison avait été mise aux enchères après qu'elle ait pris du retard dans ses paiements de prêt pendant la crise économique. Suite au rejet de l'affaire par la Cour Consitutionnelle espagnole, elle a plaidé devant le CDESC que les droits dont elle jouit sous le Pacte obligent les tribunaux à s'assurer que l'avis de saisie hypothécaire soit effectivement signifié. En effet dans son cas, après avoir tenté de lui présenter un avis en personne sans succès, le tribunal a directement recouru à la publication de l'avis sans faire usage d'autres formes ou méthodes de préavis comme établi dans l'Acte de Procédure Civile. En conséquence du manque de diligence du tribunal, la plaignante n'a pas été informée des démarches hypothécaires soumises par l'établissement de crédit ni de la décision d'admission de ces démarches, et n'a reçu aucune autre communication préalablement à l'ordre de vente. Elle a plaisé qu'en pratique, l'échec de notification l'a empêchée de présenter une réponse légale à la procédure et de protéger son droit au logement devant le tribunal, étant donné qu'elle n'a pris connaissance des démarches seulement lorsque le tribunal a ordonné la vente de sa maison.

De plus, elle a plaidé que la législation réglementant les démarches hypothécaires ne permettait pas de protéger de manière adéquat le droit de chacun à présenter une défense légale de son logement. Les personnes affectées par ces procédures ne savent pas dans la plupart des cas que leurs créditeurs ont lancé un litige, jusqu'à ce qu'ils soient dépossédés ou expulsés. Qui plus est, la loi procédurale de l'Etat espagnol, dans ces circonstances, exclut que les tribunaux prennent des mesures de précaution afin d'assurer que la décision finale soit pleinement effective, par exemple lorsque les termes du contrat sont abusifs. Ainsi, en faisant référence à l'Article 2 §1 du Pacte, Mme I.D.G a plaidé que l'Etat espagnol n'avait pas pris de mesures législatives adéquates pour assurer le plein exercice du droit au logement et pour garantir ce droit consacré par l'Article 11 §1 du Pacte.

L'Observatori DESC and Plataforma de los afectados por la hipoteca a estimé que 400,000 saisies hypothécaires avaient été menées en Espagne entre 2008 et 2012, alors que des millions de citoyens étaient sans emploi et que le budget du logement public déclinait.

 

Résultats et conséquences clé de la décision :

Pour cette première décision prise sous le PO-PIDESC, le CDESC a rendu des recommendations historiques, en alléguant la violation du droit au logement par l'Espagne, en réenforçant et en interprétant plus en avant les obligations de l'Espagne vis-à-vis des droits humains:

 

  • Principe de l'accès à la justice: Les Etats sont responsables de la réalisation de tous les droits humains, et les individus ou des groupes d'individus ont un droit de recours si ils considèrent que leurs droits humains ne sont pas respectés. Le Comité a statué que l'Espagne devrait s'assurer qu'aucune expulsion ne soit effectuée à l'encontre de Mme I.D.G si elle n'est pas protégée par les garanties d'une procédure équitable, et a appelé le gouvernement à couvrir ses frais juridiques. Le Comité a également rappelé à l'Espagne son obligation de s'assurer que la législation du pays et son application soient conformes aux droits humains, entre autres en garantissant l'accès au recours juridique, à une notification adéquate et à des protections procédurales en cas de saisie.
 
  • Droit au logement: "Le droit de l’homme à un logement suffisant est d’une importance capitale pour la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels et est intégralement lié à d’autres droits de l’homme, y compris ceux énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le droit au logement devrait être assuré à tous sans distinction de revenus ou de toutes autres ressources économiques et les États parties devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour en garantir la pleine réalisation. Un grand nombre d’éléments constitutifs du droit à un logement suffisant sont étroitement liés à l’existence de recours internes assurant la jouissance effective de ce droit" (§ 11.1).

 

  • Intervention d'une partie tierce dans l'affaire: le Comité sur les DESC a accepté l'intervention d'une partie tierce, le Réseau International pour les Droits Economiques, Sociaux et Culturels (ESCR-Net). En acceptant les interventions de tiers de la société civile, le Comité a ouvert ce processus au raisonnement juridique et à l'expertise des toutes les régions, dans un effort pour fournir un guidage contructif aux Etats concernant les approches et les recours pertinents en matière de droits humains.

 

  • Le PIDESC et d'autres traités des droits humains exigent des gouvernements le respect, la protection et le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels, sur la base du maximum de leurs ressources disponibles et avec l'assistance et la coopération internationale.

 

Cette affaire représente une importante opportunité de justice pour les individus et groupes affectés par des violations de leurs DESC ; cependant, les pays doivent d'abord ratifier le PF-PIDESC avant que leurs ressortissants puissent accéder au mécanisme de communications du CDESC. La société civile, principalement via la coalition d'ONG pour le PF-PIDESC dont la coordination est assurée par le Réseau-DESC, a joué un rôle central dans l'élaboration et l'adoption du PF-PIDESC; cette coalition continue à mener une campagne active afin d'encourager les pays à ratifier le Pacte et à renforcer leurs obligations relatives aux droits de l'homme en assurant l'accès à un recours effectif à leurs ressortissants.

Jusqu'à ce jour, les pays suivants ont ratifié le PF-PIDESC : l'Argentine, la Belgique, la Bolivie, la Bosnie Herzégovine, le Cap Vert, le Costa Rica, l'Equateur, le Salvador, la Finlande, la France, le Gabon, l'Italie, le Luxembourg, la Mongolie, le Montenegro, le Niger, le Portugal, Saint-Marin, la Slovaquie, l'Espagne et l'Uruguay.

 

En savoir plus:

Pour lire l'affaire dans son intégralité, cliquez ici.

Pour lire l'article d'OpenDemocracy sur l'affaire (en anglais), cliquez ici.

 

 

French
Jurisdiction: 
Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels
Subject: 
Droit au logement
Droits de l'homme
Expulsions
Country: 

Fonds

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