La Loi DALO a 10 ans

Le 5 mars 2007, le Parlement français adopte à l'unanimité une loi rendant le droit au logement opposable. Connu sous le nom de loi DALO, ce texte impose à l'Etat français de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats pour permettre l'accès au logement de tous.

Depuis lors, plus de 100000 ménages ont été relogés grâce à ce droit. De ce point de vue, l'application de la loi est un véritable succès. Cependant en France, la situation de l'accès des plus démunis au logement reste très préoccupante. Selon le dernier rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, 3,8 millions de personnes sont mal logées. La mise en œuvre du DALO s'avère complexe mais l'évaluation de son application pendant 10 ans permet de mieux appréhender ces difficultés. C'est une priorité aujourd'hui de faire évoluer les dispositifs et les dispositions consacrés au DALO afin de mieux garantir son effectivité.

 

Le fonctionnement du dispositif

Le demandeur doit remplir quatre conditions afin de pouvoir être reconnu au titre du DALO : il doit être de bonne foi, il doit avoir exécuté des démarches préalables pour trouver un logement, il doit se trouver dans une des 6 situations prévues[1] et sa situation doit être reconnue comme urgente.

Un dossier de recours est rempli par le demandeur. Celui-ci est instruit par les services de l'Etat avant que la demande soit examinée par une commission de médiation (COMED). Il en existe une par département. Elle est composée de représentants de l'Etat, du département, des communes, des bailleurs et des associations qui accueillent ou qui accompagnent les mal-logés. C'est elle qui prend la décision. En cas de réponse négative, il est possible pour le demandeur de déposer un recours auprès de la commission puis du tribunal administratif. Mais quel que soit la situation de la demande, la COMED reste l'unique décisionnaire.

Le ménage identifié comme relevant du DALO doit ensuite être logé dans le logement social. Une partie des contingents d'Etat ou d'Action Logement[2] est réservée à ces ménages. La démarche s'inscrit alors dans la procédure normale d'attribution d'un logement social : la commission d'attribution de logement (CAL) de chaque bailleur décide du logement du ménage.

Le dispositif se révèle donc complexe.

 

Répartition géographique

S'il existe une COMED par département, le volume de dossiers traités peut être très différent. Il est fonction de la tension du marché locatif. Dans le plus grand nombre de départements où le marché n'est pas contraignant, l'activité des commissions est faible. En revanche dans les grandes agglomérations, notamment Marseille et l'Ile-de-France et là où le marché est très tendu, l'activité des commissions est très importante. Elles peuvent se réunir alors une fois par semaine et traiter à chaque fois plus de 200 dossiers.

 

La difficulté de mise en œuvre et les réformes nécessaires

Les analyses effectuées récemment, s'appuyant sur les 10 années de fonctionnement du dispositif par les instances nationales en charge du dossier dont le Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées (HCLPD) ou par la mission Carlotti créée expressément pour cette évaluation, montrent que, quand bien même le DALO a prouvé son efficacité, des difficultés perdurent et, dans les départements où la situation est le plus difficile, la mise en œuvre de la loi régresse.

Les principaux points relevés par la commission sont les suivants :

- le manque d'information sur le dispositif : alors qu'en 2006 une étude de l'INSEE faisait apparaitre que plus de 500000 ménages étaient concernés, seulement 185000 ont été reconnus DALO ;

- les COMED manquent de moyens notamment si elles doivent examiner plusieurs centaines de dossiers par séance alors que la plupart de leurs membres sont bénévoles. L'usager n'y est pas représenté et les membres de la commission sont impliqués dans le futur du dossier ;

- Les COMED interprètent le droit au logement de façon de plus en plus restrictive. Notamment en estimant que le parcours préalable de recherche de logement n'est pas suffisant, que l'urgence n'est pas établie

- Plus grave les COMED peuvent appliquer des critères non prévus par la loi. C'est le cas quand elles prennent en compte le niveau de l'offre de logement dans le territoire. C’est aussi le cas lorsqu'elles anticipent le refus d'attribution du logement par le bailleur estimant que la situation du ménage est trop difficile pour qu'il entre dans les critères d'accès que celui-ci a déterminés ;

- L'accès au logement pour les ménages DALO n'est pas facilité. Les contingents de logements sociaux qui leur sont réservés en priorité peuvent être mal connus, mal définis ou utilisés à d'autres usages. D'autre part, le processus d'attribution par les CAL a ses propres arguments et la situation du ménage reconnu DALO doit s'y intégrer.

 

La stigmatisation des publics concernés

Que les ménages DALO puissent être difficilement acceptés par les CAL est révélateur d'une autre conséquence négative imprévue de la mise en œuvre du DALO.

On parle maintenant de "ménages DALO". On assiste là à la stigmatisation d'une population. Etre DALO c'est être pauvre ou mal intégré. C'est aussi potentiellement être un ménage à risque pour les bailleurs, insuffisamment autonome, nécessitant un accompagnement social. De plus, il est difficile d'admettre que les ménages bénéficiant d'une décision positive puissent refuser un logement qui leur est attribué.

Cette stigmatisation explique en partie la difficulté à reloger les ménages reconnus DALO. En 10 ans, 180000 l'ont été alors que seulement un peu plus de 100000 ont été relogés.

 

Les actions des associations

Les associations qui travaillent avec les mal-logés et les sans-abri jouent un rôle essentiel dans l'application de la loi DALO et ce à plusieurs niveaux.

Les associations conseillent les ménages, les accompagnent dans la formulation de leur dossier. Elles garantissent que la demande puisse être correctement étudiée par la COMED. Cependant de nombreux ménages ne profitent pas de cette possibilité.

Les associations sont présentes dans les COMED. Celles qui gèrent l'hébergement ou le logement temporaire comme celles qui accompagnent les personnes mal logées dans leur parcours d'insertion dans le logement. Elles assurent la représentation des ménages lors des réunions de commission et défendent les dossiers en rappelant la loi et en cherchant à éviter les dérives des COMED dans l'application de nouveaux critères non prévus.

Investies dans la mise en œuvre du DALO, les associations ont créé dans plusieurs départements des groupes de réflexion et d'échange d'expérience qui rencontrent les représentants locaux de l'Etat afin d'analyser les éventuels dysfonctionnements et de proposer des améliorations au dispositif.

Elles interviennent aussi au niveau national et sont présentes dans les différents comités qui gèrent le DALO. Le Collectif des Associations Unies pour l'accès au logement des mal-logés, qui regroupe plus de 40 têtes de réseau associatif propose des améliorations de la loi et des textes réglementaires. Il intervient aussi dans le cadre des campagnes électorales afin d'améliorer la réussite du dispositif.

L'association DALO a été tout spécialement créé pour assurer le succès de la loi. Elle participe au suivi de l'évolution juridique du DALO, à l'amélioration de la communication et à la formation de l'ensemble des membres des COMED afin de renforcer leur connaissance de la législation et d'en être un acteur efficace pour répondre aux besoins des populations.

La loi DALO, c'est 10 ans de mise en œuvre, un incontestable progrès mais la nécessité de veiller partout à sa bonne réussite ce à quoi s'attellent les associations. 




[1] Avoir effectué une demande de logement social dépassant un délai dit anormalement long, être dépourvu de logement, être accueilli dans une structure d'hébergement, être menacé d'expulsion sans relogement, être  logé dans des locaux impropres à l'habitation, être  handicapé dans un logement sur occupé ou ne répondant pas aux critères de la décence.

[2] Organisme paritaire financé par une charge sur les salaires et propriétaire important de logements sociaux.

 

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